5. Le Curé

Au fin fond de l’Ecosse

Mark Fitzgerald White était fils et petit-fils de pêcheur écossais. La profession rarissime quand on parlait d’artisans dans cette deuxième partie de XXIe siècle avait perduré dans les coins les plus reculés des îles britanniques.

En plus d’aider à la tâche familiale, Mark White avait rejoint les ordres dès l’âge de 21 ans, comme une évidence. Et pourtant, ça faisait belle lurette que les curés ne courraient plus les rues des villes et des villages, et que les organisations laïques cultivaient les résidus de culte chrétien ici et ailleurs. D’autant plus que Mark avait trouvé son équilibre dans cette fonction d’engagement pour ne pas dire de dévotion, d’écoute, de sagesse. Être sage dans sa vingtaine, c’était alors bien extraordinaire.

Un curé footballeur

Mark White jouait également au football. Motivé par son idole d’enfance Gemili Cricket, il y trouvait un exutoire complémentaire à sa calme vie sociale. Il y jouait pourtant comme il vivait. Il s’engageait corps et âmes, il se donnait becs et ongles, il véhiculait ses valeurs dans son jeu. Mark White jouait Stoppeur, le poste qui collait le mieux à ce qu’il était. Il avait fait quelques apparitions au poste de Libéro réhabilité depuis la « révolution traditionnelle » qui courrait, mais il était le plus efficace en « 4 ». 

Le bougre d’un mètre quatre-vingt-douze et de quatre-vingt-quatre kilos avait fait belle carrière, même si quelque peu tardive. A vingt-quatre ans, il rejoignait le club de Celtic Glasgow pour trois saisons d’anthologie, où il aligna les apparitions régulières et les performances hautement appréciées des supporters d’un club traditionnaliste les plus extrêmes.

La sélection

C’était en effet un groupe de douze clubs qui en 2058 s’était révolté pour créer la « European Cup of Traditional Football », dont le Celtic Football Club of Glasgow était un des précurseurs dès 2057 pour enrailler les dérives réglementaires et économiques d’un football qui se perdait.

Mark White se retrouvait là encore dans ces valeurs d’antan, un peu comme l’image d’homme hors du temps qu’il s’était forgé dans les quelques rares interviews qu’il avait données. Et les fans du Celtic adoraient cela, parce qu’ils y retrouvaient les saveurs du début du siècle voire de la fin du siècle précédent. Un homme droit, engagé pour son club, qui croyait en ce qu’il faisait.

Et la sélection écossaise en bénéficiait depuis que Mark avait fêté son vingt-septième anniversaire dans une rencontre d’anthologie face à la sélection royale à Celtic Park. Les locaux s’étaient imposés 2-1 devant cent mille spectateurs en folie, et Mark avait honoré l’événement : il s’était donné comme peut-être personne auparavant.

Les bras en croix

A l’issue de la rencontre, il gisait dans la surface de réparation les bras en croix, le point de côté saillant, expirant de tout son être et reprenant petit à petit ses esprits…

Au point que le Roi Georges s’enquiert auprès de la présidente écossaise de la bonne santé de Mark à l’issue de la rencontre. Tout allait bien. Mark s’était simplement donné à fond, au premier sens du terme. Il avait effectué seize tacles, dont un sur la ligne pour sauver un tir de justesse. Comme un quart d’heure plus tard, quand, d’une tête plongeante dans une course effrénée dans sa surface, il avait trouvé un angle impossible pour dégager de la tête et en corner un lob de l’attaquant britannique sur son collègue Marinigh, le gardien écossais. Un authentique exploit reconnu par la presse. L’égalisation avait été évitée et c’était bien le principal. Mission accomplie, même si Mark eut déjà la plus grande peine à se relever.

Fierté et Honneur

C’était décidé, « le curé » irait au Mondial Namibien de 2066. Et c’était bien mérité.

Ils étaient tous et collectivement si fiers d’être écossais, d’être différents. Et Mark quelque part aussi.


(Rédigée le 31.07.2021)

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